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Du détournement au délire interprétatif : les figures de l’excès dans Julius Caesar de Shakespeare

Yan Brailowsky
p. 3-23

Résumés

La figure de l’excès, prise dans ses multiples sens d’écart, de mort, de dépassement, voire de ravissement, imprègne la Rome de Shakespeare. Les excès de César sont multiples : ayant franchi le Rubicon et s’étant rendu maître de Rome, il passe au rang des dieux ; après sa mort, il revient pour prédire la mort de Brutus, outrepassant une fois de plus les limites du naturel. À ceci, il faut ajouter les excès du dramaturge lui-même : Shakespeare met en scène encore plus de signes prémonitoires que n’en comportent ses sources. En se démarquant ainsi (notamment de Plutarque), Shakespeare ne cherche-t-il pas à mettre en évidence combien il est difficile de circonscrire les dangers inhérents aux phénomènes prophétiques ou divinatoires ? Les pratiques divinatoires de la cité antique permettent en effet de (ré)interpréter indéfiniment les signes et prodiges offerts par les dieux, au risque de sombrer dans un délire interprétatif. C’est ainsi que les ides de mars peuvent devenir tour à tour les « sides », « tides » ou « dogs » d’un dieu ou d’une plèbe en courroux... comme lorsque, dans un moment de délire, ou « slip », Antoine se met à prophétiser : il invoque alors le fantôme de César et the « dogs of war » du dieu de la guerre, Mars, aux ides du mois éponyme. Le chaos qui s’ensuit est à l’image du délire interprétatif que nous nous proposons d’examiner.

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Texte intégral

1Parmi les pièces romaines de Shakespeare, Titus Andronicus, Coriolanus et Antony and Cleopatra pourraient, de prime abord, sembler être celles qui offrent le plus d’exemples d’excès. Cependant, à y regarder de plus près, il m’a semblé que la question de l’excès prenait un tour particulier dans Julius Caesar. En effet, la multiplication des invocations des dieux et les innombrables signes prémonitoires que l’on y trouve — beaucoup plus nombreux que ceux que l’on trouve dans Plutarque auquel Shakespeare est resté, par ailleurs, très fidèle — contrastent avec les autres pièces romaines et participent d’un excès, non plus de personnages « plus grands que nature », mais d’un excès de la nature elle-même par rapport aux hommes. C’est sur l’irruption du sur-naturel dans Julius Caesar que j’aimerais me pencher.

2Si j’ai parlé de Plutarque et des différences avec Shakespeare, c’est que ces différences, qui ne sont pas sans incidence sur l’interprétation que l’on peut faire des événements mis en scène, dépassent la question du réagencement des faits : Shakespeare multiplie à dessein des éléments manifestement absents de la narration de l’historien grec, et ces éléments touchent au domaine de la divination.

3Cependant, cet excès de signes prémonitoires n’est pas provoqué par la présence des dieux mais par leur absence, une absence emblématisée par l’absence de Mars, dieu de la guerre. Ce dieu aurait eu toute sa place dans une pièce sur César et la guerre civile qui suivit son assassinat, mais Shakespeare ne le mentionne jamais nommément, et rend au contraire son absence excessivement présente par une série d’expressions qui nous rappellent son nom, et notamment l’expression de « the ides of March » à laquelle je consacrerai une attention toute particulière. Non seulement elle cristallise toute une série d’excès, mais elle révèle aussi la spécificité de l’excès dans Julius Caesar : un excès de signes prémonitoires auquel s’allie un problème historiographique. Je voudrais suggérer que la narration historique dans Julius Caesar appelle un excès interprétatif, car les signes dépassent la nature des hommes.

1. De mars à Mars

  • 1  Notamment Troilus and Cressida (ii.i, ii.iii, iii.iii, iv.v et v.ii), Antony and Cleopatra (i.i., (...)

4Shakespeare a souvent fait référence à Mars dans son œuvre1, souvent pour l’associer à Vénus dans un contexte amoureux, mais aussi pour dénoter les qualités martiales de ses personnages. Traditionnellement, Mars a deux rôles qui, pour sembler contradictoires, n’en sont pas moins complémentaires : il est dieu de la guerre et l’amant de Vénus-Aphrodite, déesse de l’Amour. C’est aussi le protecteur de l’agriculture : le mois de mars, qui tire son nom de la divinité, marque le retour du printemps. Mars était donc associé à la fois à la fertilité de la terre, à la fougue des jeunes guerriers et à celle des amants. Enfin, Mars était particulièrement honoré par les Romains pour être le père de Rémus et Romulus, ainsi que le rappellent nombre d’auteurs, comme Cicéron, qui commence son traité De divinatione avec cette fable (i.i.3). Toute histoire se déroulant à Rome est ainsi implicitement placée sous le signe de Mars, comme le montrent Coriolanus ou Antony and Cleopatra, où plusieurs personnages font appel au dieu, soit pour dénoter ses qualités guerrières, soit pour parler de ses aventures avec Vénus.

  • 2  William Shakespeare, Julius Caesar, éd. David Daniell, Walton-on-Thames, Thomas Nelson and Sons, 1 (...)

5Pourtant, dans Julius Caesar, Shakespeare ne mentionne ni Mars, ni Vénus. De fait, même si les personnages en appellent sans cesse aux dieux, ils ne les nomment pas, comme cela aurait été possible. À la place de cela, on trouve une accumulation proprement excessive d’apostrophes génériques : « ye gods » ou encore « mighty gods2 ». Comment expliquer le fait que Shakespeare fait sans cesse référence aux dieux dans Julius Caesar, sans toutefois les nommer ouvertement ?

  • 3  Pierre Fontanier, Les figures du discours, éd. Gérard Genette, Paris, Flammarion, 1830, 1977, p. 3 (...)

6Lorsqu’il y fait référence, Shakespeare associe souvent l’évocation des dieux païens à deux figures de rhétorique, l’apostrophe et l’antonomase, qui sont toutes deux des figures de diversion, pour reprendre le terme de Pierre Fontanier3. George Puttenham parle, au sujet de l’antonomase, de « Surnamer », et l’oppose à la métonymie, qu’il appelle « misnamer » :

  • 4  George Puttenham, The arte of English poesie, éd. John Lumley, New York, AMS Press, 1569, 1589, 19 (...)

And if this manner of naming persons or things be not by way of misnaming as before, but by a conuenient difference, and such as is true or esteemed and likely to be true, it is then called not metonimia, but antonomasia, or the Surnamer, (not the misnamer, which might extend to any other thing as well as to a person) as he that would say: not king Philip of Spaine, but the Westerne king, because his dominion lieth the furdest West of any Christen prince4.

  • 5  Op. cit., p. 245. C’est moi qui souligne.

7Et Puttenham dit de l’apostrophe: « the Greekes call such figure (as we do) the turnway or turnetale », avant d’ajouter que cette figure de style « breedeth by such exchaunge a certaine recreation to the hearers minds, as this vsed by a louer to his vnkind mistresse5 ».

8Ainsi, le rhétoricien élisabéthain établit un lien entre le supplément, ou « Surnamer », et le détour, ou « turnway or turntale » — autrement dit, entre ce qui est en plus, ce qui est excessif, et ce qui nous fait faire un supplément de chemin. C’est là une des premières figures de l’excès sur laquelle j’aimerais revenir : l’excès de détours où l’on refuse de nommer son objet — je pense ici à l’étymologie d’antonomase, qui est une sorte d’anti-nomination, ou de nomination « à la place de » —, au risque de le perdre. À force de répéter « ye gods » sans jamais les nommer directement, on finirait par les perdre de vue.

9Pour rendre compte de la stratégie de « diversion » et de « sur-nomination » adoptée par Shakespeare dans Julius Caesar, j’aimerais proposer plusieurs hypothèses qui découlent de mon postulat de départ, c’est-à-dire que les figures de l’excès seraient une manière de figurer l’absence des dieux.

  • 6  Il n’est pas encore strictement interdit de parler de Dieu sur scène. Il faudra attendre le milieu (...)

101. Il est interdit aux chrétiens d’invoquer le nom de Dieu en vain (Ex 20 :7). En revanche, les divinités païennes, auxquelles ne s’applique pas ce commandement, peuvent « représenter » Dieu sur scène, par antonomase ou synecdoque. Pour éviter le blasphème, on parle à/de Dieu de manière détournée6.

  • 7  Voir J. L. Austin, How to Do Things with Words, Oxford, Clarendon Press, 1962.

112. Même s’il avait été licite de s’adresser à Dieu dans un cadre profane, la force performative7 de mots investis du poids du divin est telle qu’il est impossible de « représenter » cette parole divine autrement que par détournement. On ne peut observer le soleil directement sans risquer de s’aveugler : il faut donc détourner le regard (« turnway ») et parler de manière indirecte.

123. Donner des « Sur-noms » à Dieu, pour reprendre le terme de Puttenham, c’est avouer que les hommes ne pourront jamais tout dire de Dieu ou que le véritable nom de Dieu reste un mystère. Nous sommes condamnés à faire référence à Dieu au moyen de « Sur-noms » parce qu’on ne saurait le nommer directement. Ces « Sur-noms » sont donc autre chose, mais peut-être aussi plus que des noms.

  • 8  Une incantation est, étymologiquement parlant, un enchantement ou l’évocation d’un charme (incanta (...)

134. Si, pour reprendre les termes de Puttenham, apostropher les dieux est « a certaine recreation to the hearers minds », c’est aussi parce que ce n’est autre qu’une forme de parole incantatoire. Autrement dit, l’apostrophe permet d’enchanter8, sinon les dieux, du moins le public. On fait appel à son public, terrestre ou divin, pour signifier sa soumission et demander son assistance, dans un rituel de politesse ou une convention oratoire (l’apostrophe devient alors une forme de captatio benevolentiae).

14Dans Julius Caesar, outre le célèbre mendiant-prophète qui dit à César qu’il faut se méfier des ides de mars, Shakespeare nous offre d’innombrables signes prémonitoires de la chute de César. En même temps, nous l’avons vu, il figure l’absence des dieux ou, du moins, une certaine absence des dieux. L’absence de Mars et Vénus, pour ne prendre qu’eux, est révélatrice : c’étaient les dieux tutélaires de César.

15On sait que César, homme de guerre s’il en est, construisit un temple en l’honneur de Vénus à Rome, et les Julii se disaient les ancêtres de Iule, fils d’Énée et, par là, de Vénus. Dans Julius Caesar, Shakespeare ne fait nullement allusion à la généalogie de César, ni au temple de Vénus. Par contre, il est question de rites de fertilité dès la première scène de la pièce.

  • 9  i.ii.18–23 ; ii.i.40, 59 ; iii.i.1 ; iv.iii.18 et v.i.113.
  • 10  Dans 1 Henry iv (iv.i.111) et The Winter’s Tale (iv.iv.120).

16Quant à Mars, si le nom de la divinité n’est jamais évoqué, le mois qui lui est dédié, « March », est mentionné à chaque acte9, ce qui contraste avec les occurrences du mot dans le reste du canon, où l’on ne dénombre que deux autres allusions au mois de mars10. Plus généralement, j’y reviendrai, le dramaturge insiste dans Julius Caesar sur le rapport au temps : il parle sans cesse des fêtes calendaires comme les Lupercales et des heures de la journée ou de la nuit. Je reviendrai plus tard sur cet excès temporel.

2. Les Lupercales

  • 11  Ce n’est pas le seul lien entre César et les Lupercales : il faut y ajouter la création, en 44 ap. (...)

17Les premiers excès dans Julius Caesar découlent, dès la première scène, de la fête des Lupercales, un rituel eschatologique célébré mi-février. Dans sa Vie de Romulus, qui inaugure l’édition anglaise des Vies parallèles, Plutarque fournit de nombreux détails sur cette fête — des détails complétés dans sa Vie de César. On le sait, c’est à l’occasion des Lupercales que César se vit offrir, par trois fois, une couronne par Antoine (i.ii.220–245)11.

18Ce que l’on peut retenir des descriptions de Plutarque, c’est qu’il s’agit d’un rituel de fertilité célébré en l’honneur de Romulus, dont Plutarque rappelle les capacités divinatoires :

  • 12  Plutarque, Lives of the noble Grecians and Romans, traduit par Sir Thomas North, Londres, Thomas V (...)

Romulus was a very deuoute man, & greatly skilfull in telling of things to come by the flying of birds: for which cause he did ordinarilie carie the augurs crooked staffe, called in Latin Lituus. It is a rodde crooked at the end, wherewith the augurs or soothsayers when they sit down to behold the flying of birds, doe poynte out & marke the quarters of the heauen12.

19Le symbole des augures, « a rodde crooked at the end », figure déjà le besoin de passer par des détours pour interpréter les présages. En réalité, l’instrument qui permet de montrer le vol des oiseaux évite toute référence directe : il n’est pas possible de désigner clairement un élément avec un bout de bois tordu.

  • 13  « Forget not in your speed, Antonio, / To touch Calphurnia ; for our elders say, / The barren touc (...)
  • 14  On a pu lire dans la scène des Lupercales une transposition, dans le domaine de la sexualité, du r (...)

20Dans sa Vie de César, Plutarque revient sur les Lupercales. Shakespeare reste plutôt fidèle à l’historien grec, mais il ajoute un élément notoirement absent du texte de Plutarque : une malédiction qui frappe Calphurnia d’infertilité. Dans Julius Caesar, on le sait, la première chose que fait César sur scène est de demander à Antoine de toucher sa femme pendant la course pour la guérir de sa stérilité13. César, à 56 ans, n’avait toujours pas d’héritier mâle et on a pu voir dans cette scène une prémonition que son règne ne pouvait durer — sa lignée devait s’éteindre avec lui. Je ne reviendrai pas sur le parallèle qu’on a pu exploiter, dès 1599, avec la situation en Angleterre où Élisabeth, à 66 ans, n’avait toujours pas désigné son héritier14. En revanche, j’aimerais insister sur le fait qu’à défaut de trouver une claire évocation de Vénus dans Julius Caesar, c’est par le biais des Lupercales que Shakespeare introduit la question de la fertilité ou, plus exactement, de l’infertilité.

  • 15  D’après François Laroque : « La Saint-Valentin était en Angleterre marquée par des jeux et une atm (...)
  • 16  F. Laroque, « La fête des Lupercales », op. cit., p. 35 (c’est moi qui souligne). Dans son article (...)
  • 17  Silvia fait aussi écho au nom de la mère des fondateurs de Rome, Rhea Silvia.

21Cette analyse qui veut voir Vénus là où elle n’est pas, c’est-à-dire là où elle est implicitement présente, mais manifestement absente, est peut-être confortée par le rapprochement qu’on a pu faire entre les Lupercales et la Saint-Valentin, célébrée au même moment de l’année en Angleterre — à un jour près15. D’après François Laroque, la mi-février est une époque propice à célébrer « un rite de passage de l’hiver au printemps qui permettait de réunir les vivants et les morts et d’introduire au sein du monde de la loi et de la cité l’univers sauvage de l’agreste et du silvestre »16. Shakespeare ne s’y était pas trompé en donnant, dans The Two Gentlemen of Verona, Valentine comme nom à un des amants, et Silvia à son amante17.

22Ici aussi, cependant, le rapprochement ne fait que mettre en avant le contraire de l’objet du rite : au lieu d’être une célébration de la fertilité et de l’amour, Julius Caesar fête le contraire. Au lieu de célébrer l’union des amants, Shakespeare s’emploie à les séparer. Calphurnia et Portia ne choisissent pas leur époux, comme le veut la coutume à la Saint-Valentin, ce sont leurs époux qui, en refusant de plier devant leurs supplications, choisissent de se séparer de leur épouse, successivement : Brutus d’abord (ii.i), puis César (ii.ii).

23Jusqu’ici, je suis revenu sur les Lupercales et la Saint-Valentin, mais je n’ai pas encore parlé de ce que Shakespeare nous décrit du rituel dans Julius Caesar. En réalité, le rituel des Lupercales n’est pas représenté sur scène : on ne voit pas le rituel de purification, que ce soit le sacrifice des chèvres, l’onction des jeunes nobles avec le sang des bêtes sacrifiées, ou leur course dans les rues, nus et oints d’huile, fouettant les femmes sur leur passage avec des lambeaux de peau des bêtes sacrifiées. Ceci ne veut pas dire que ces images n’étaient pas présentes à l’esprit des spectateurs : tout comme les références aux ides de mars, de trop nombreux personnages nous parlent des Lupercales pour que l’on n’ait pas une idée du rituel.

  • 18  Historiquement, ce triomphe avait été célébré plusieurs mois auparavant, mais Shakespeare condense (...)

24Ce que l’on peut retenir, c’est que le rituel annoncé n’a pas lieu, ou, plus exactement, lorsqu’on nous dit qu’il a eu lieu, on apprend qu’il a été perverti. Les Lupercales deviennent, dans Julius Caesar, une double occasion pour César. C’est d’abord le moment choisi pour célébrer son triomphe sur les fils de Pompée18. Ainsi, cette célébration d’une victoire militaire n’appartient pas en propre au rituel des Luperques. Mais c’est aussi l’occasion pour César de tâter le terrain et présenter au peuple ses projets dynastiques.

  • 19  Wilson, op. cit., p. 55–76. D’après Liebler : « [According to some recent critics] Shakespeare fas (...)

25En s’arrêtant dans sa course pour présenter, devant la foule, une couronne à César, Marc Antoine met non seulement symboliquement terme à la course, et donc au rituel, il mêle un acte politique à une cérémonie religieuse et procède à un détournement sacrilège. Ce détournement est double : non seulement Marc Antoine remplace un rituel par un acte de propagande politique, il fait de cet acte un nouveau rituel qui finira par annuler et remplacer le précédent. Le couronnement de César préfigure au moins deux traditions complémentaires : le couronnement « en creux » du carnaval, où l’on élit un « mock king » presque aussitôt destitué, et le couronnement « réel » de monarques légitimes. Le rapprochement avec le premier a été étudié, notamment par Richard Wilson19. J’aimerais revenir sur la cérémonie réelle.

  • 20  Voir Ann Lecercle, « ‘Trash’ dans La tempête », éd. Claude Peltrault, Shakespeare : La tempête. Ét (...)
  • 21  Plutarque, op. cit., p. 34.
  • 22  Jacques Le Goff, Jean-Claude Bonne et al., Le sacre royal à l’époque de Saint Louis (d’après le ma (...)

26Il n’est pas difficile de reconnaître dans le rite des Lupercales une similarité avec certains éléments du rite du sacre royal tel qu’il sera pratiqué par la suite. On retrouve chez les prêtres Luperques le dénudement, l’onction et l’humilité du souverain au Moyen Âge au moment de l’onction20. On peut même voir, dans un manuscrit du xiiie siècle, Ordo ad consecrandum et coronandum regem, un sacre royal d’un roi capétien avec l’application d’une croix rouge sur le front avec un couteau, comme dans le rituel des Luperques où les prêtres « touch [the young men’s] forehead with a bloudy knife21 ». D’après Jean-Claude Bonne, qui commente ce manuscrit, l’« onction, dont la substance est normalement quasi invisible, prend corps sous la forme d’une minuscule croix rouge, comme si elle résultait d’une scarification du front ou, mieux, qu’elle était opérée pour ainsi dire avec le sang même du Christ22 ».

27Pour un public élisabéthain, il était relativement aisé d’établir un parallèle entre la cérémonie d’onction royale et les Lupercales, au vu des descriptions de liesse populaire dans la première scène de la pièce qui rappellent les fêtes de couronnement des monarques. Si Shakespeare n’a pas représenté les Lupercales sur scène, c’est qu’il n’avait nul besoin de recourir à une reconstitution de la scène pour que le public puisse se figurer une scène de couronnement : un surplus d’images et de narrations de ces événements circulait au sein de la population, un souvenir ravivé chaque année par des fêtes populaires comme le Carnaval qui, bien entendu, emblématise l’excès.

28J’aimerais suggérer que les Lupercales sont, de fait, symboliquement plus efficaces précisément parce qu’elles se déroulent hors-scène, non pas seulement parce qu’il est parfois plus efficace de laisser ses interlocuteurs imaginer une scène que de la montrer, mais aussi parce qu’il se passe quelque chose de troublant au cours des Lupercales qu’on ne doit pas voir, un événement en excès de ce qu’il aurait été possible de dire, ou de montrer, sur scène.

  • 23  Leo Spitzer, « The ‘Récit de Théramène’ », Linguistics and Literary History. Essays in Stylistics,(...)

29Lors de la scène du faux couronnement, César est atteint par « the falling sickness » (i.ii.247–270) et les personnages commentent longuement cette chute, littérale et symbolique, qui semble interrompre les événements et semble promettre une autre chute, mortelle, cette fois. On pourrait aisément lire dans cette première chute l’avertissement du divin. Pour reprendre l’analyse de Leo Spitzer du « récit de Théramène » dans Phèdre de Racine, on peut vouloir situer une narration hors-scène pour montrer son caractère excessif et surnaturel23. Dans Julius Caesar, on ne peut représenter sur scène les dieux se vengeant de César pour son hybris : il faudra se contenter d’un récit rapporté.

  • 24  Ce dernier parle de « mere foolery », i.ii.236.

30Ici encore, Shakespeare adopte une stratégie de diversion, en déléguant la tâche de raconter la scène à un personnage, Casca, qui semble vouloir amuser la galerie24 en procédant par paliers, répondant peu à peu aux questions pressantes de ses interlocuteurs. Casca adopte la stratégie discursive du Cobbler dans la première scène de la pièce. De fait, dans les deux scènes où il est clairement question des Lupercales, des personnages secondaires adoptent la même stratégie de diversion, comme pour signifier la difficulté de parler directement d’un rite détourné. Ce faisant, leur stratégie dilatoire provoque l’ire de leurs interlocuteurs, excédés par de tels détours.

  • 25  « Poor man, I know he would not be a wolf / But that he sees the Romans are but sheep. / He were n (...)

31Après l’avertissement des dieux, c’est-à-dire la crise épileptique de César, viendra le sacrifice proprement dit. Dans la mesure où la purification n’a pas pu avoir lieu lors des Lupercales, la cérémonie est, pour ainsi dire, rejouée un mois plus tard — seulement ici, c’est César qui prend la place des chèvres sacrificielles. On a déjà relevé le lien entre l’assassinat de César et le sacrifice pratiqué par les Luperques, je n’y reviendrai pas outre mesure. Cassius veut inverser les rôles et mettre le loup (César) à la place de la chèvre (les Romains), appelés des moutons par Shakespeare pour faire écho au proverbe biblique et renforcer le parallèle avec le modèle christique25.

  • 26  La datation précise est sujette à caution, tout comme les causes de la mort du monarque déchu. On (...)

32Outre cet écho au modèle christique, où César prend la place du Christ, on pourrait songer à un autre sacrifice qui a pu servir de modèle à Shakespeare, surtout au moment de parler des Lupercales. En effet, Shakespeare n’ignorait pas que Richard ii avait été assassiné le jour de la Saint-Valentin, le 14 février 140026, c’est-à-dire la fête des Lupercales (à un jour près), et exactement deux siècles avant la première représentation de Julius Caesar (à un an près).

  • 27  On dit aussi du Prince Noir qu’il est « that young Mars of men » (Richard ii, ii.iii.101, William (...)
  • 28  Yan Brailowsky, « ‘Let me prophesy’ : Apocalypse et inspiration prophétique dans Richard II de Sha (...)

33Souvenons-nous que Gaunt, , dans Richard ii, sur son lit de mort, appelle l’Angleterre « this seat of Mars » (ii.i.41)27, faisant de Mars le dieu tutélaire de Rome et de l’Angleterre. Mais il y a plus. À la mort de César, Marc Antoine annonce une guerre civile, comme l’évêque de Carlisle dans la scène de déposition de Richard28 ; comme César, Richard mourut sans laisser d’héritier ; comme Calphurnia, la reine Isabel aura eu des rêves prémonitoires. Le rêve anamorphotique d’Isabel emblématise à lui seul l’excès de signes prophétiques dans ces pièces, où les querelles d’interprétation d’images oniriques masquent, un temps, la révélation du destin tragique des personnages principaux. L’anamorphose est une image en trop qui trouble la stase d’une première image, celle du Destin tragique, « Fate ».

  • 29  Le dialogue entre le Prince Edouard et Buckingham est empreint d’apocalyptisme :

34Certes, on pourrait sans doute remarquer des correspondances similaires dans d’autres narrations d’assassinats politiques, et montrer, a contrario, tout ce qui sépare l’assassinat de César de celui de Richard. Il demeure qu’il existe de nombreux échos entre Richard et César et, dans l’historiographie anglaise de l’époque, on sait que l’Angleterre et Rome partagent un même destin impérial — ou, à tout le moins, un même rêve de destin impérial. Après tout, comme le rappelle Shakespeare dans Richard iii, la Tour de Londres, symbole de l’autorité royale, était l’œuvre de César, ce qui fait de César un des ancêtres symboliques des monarques anglais29.

  • 30  Plutarque, op. cit., p. 34.

35Ainsi, César et Richard fonctionnent comme victimes sacrificielles et le rite des Lupercales n’a plus simplement lieu au cours de « the vnfortunate dayes of the moneth of Februarie, which are called the purging dayes30 », pour reprendre l’expression de Plutarque, cette fête devient le symbole d’une purgation du corps politique malade des excès de ses dirigeants, accusés, l’un, d’ambition et de tyrannie, l’autre, de dilapider les biens du royaume.

36En ne rendant pas hommage aux dieux, en rivalisant avec eux, César est abandonné par ses dieux tutélaires : Vénus l’abandonne en février, en confirmant la stérilité de Calphurnia ; Mars l’abandonnera de la même façon au milieu du mois suivant, c’est-à-dire au mois qui lui est consacré, mars.

3. De Mars à mars

  • 31  R. Wilson commence ainsi son introduction à un recueil d’articles critiques : « Julius Caesar [... (...)

37Dans la mesure où Shakespeare insiste sur cet avertissement en le répétant à l’identique, « Beware the ides of March ! » se doit d’être interprété et réinterprété — la répétition à l’identique est une invitation à trouver des sens différents. De fait, comme le rappelle Richard Wilson31, Julius Caesar thématise sans cesse la question de l’interprétation, et il est tentant de chercher à tout (ré)interpréter, au risque de sombrer dans un « délire interprétatif » où l’on interprète trop.

38Comment interpréter l’avertissement du Soothsayer ?

39La première hypothèse que l’on pourrait proposer serait de dire que ce qui s’est passé au cours des Lupercales était un détournement sacrilège d’un rite collectif de fertilité au profit d’un individu « stérile ». La chute de César un mois, jour pour jour, après les Lupercales fait de sa mort un exemple. Sa mort sert d’avertissement à tous ceux qui voudraient tirer profit de rites voués aux dieux.

  • 32  À l’époque élisabéthaine, au vu de l’orthographe de Thomas North dans sa traduction des Vies paral (...)

40La deuxième hypothèse voudrait que l’on n’oublie pas le dieu Mars absent de Julius Caesar. Cette hypothèse se justifie d’abord par la fréquence avec laquelle on évoque le mois de mars. Il s’agirait pour César de ne pas oublier son dieu tutélaire, c’est-à-dire ne pas oublier que le mois de mars est consacré à Mars, mais aussi se rappeler qu’il lui doit ses victoires militaires. Pour un public chrétien, il fallait, pour ainsi dire, « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22 :21) — en l’occurrence, reconnaître les bienfaits de Dieu. César, en ne mentionnant Mars à aucun moment après sa victoire sur les fils de Pompée, fait preuve d’ingratitude à l’égard d’une divinité qui lui était jusque-là favorable. Pire : César prétend devenir l’égal des dieux, dans la plus pure tradition évhémériste, en se faisant couronner roi. En rappelant à César de ne pas oublier mars, le Soothsayer se réfère, par paronomase, à Mars dont il ne peut prononcer le nom directement32.

41Une troisième hypothèse relèverait d’un excès temporel, c’est-à-dire à la fois d’une obsession vis-à-vis du temps, mais aussi de temps surnuméraire. Cette hypothèse s’appuie sur les interrogations répétées des personnages sur les jours du mois, ou l’heure du jour et de la nuit, mais aussi sur les querelles calendaires en 1599. Je pense ici, en premier lieu, à la question de Brutus la veille de l’assassinat :

Brutus. Is not tomorrow, boy, the first of March?
Lucius. I know not sir.
Brutus. Look in the calendar and bring me word. [...]
Lucius. Sir, March is wasted fifteen days. (ii.i.40-42, 59)

  • 33  Randle Cotgrave, A Dictionarie of the French and English Tongues, 1re éd., Londres, Adam Islip, 16 (...)

42La référence au premier jour du mois fut longtemps corrigée par les éditeurs de Shakespeare en « ides ». Pourtant, l’in-folio indique bien « first ». Demander à Lucius de lui confirmer le jour du mois n’est pas aussi symboliquement efficace que d’entendre Lucius infirmer la supposition de Brutus : que Brutus se trompe de jour préfigure ses erreurs de jugement, notamment au sujet de Marc Antoine, dont il ne perçoit pas le danger, malgré les innombrables avertissements de Cassius qui joue ici le rôle du Soothsayer, et Brutus, César. Comme le veut un dicton français, Brutus « [Prend] Marthe pour Mars. [He takes] his markes a-misse »33. Pourquoi Shakespeare fait-il allusion au 1er et au 15 du mois ? Pourquoi insister sur cette confusion ?

  • 34  « Cassius asked him if he were determined to be in the Senate house, the first day of the moneth o (...)

43Plutarque rappelle qu’à un moment il avait été question d’exécuter le complot contre César le 1er mars. Il mentionne cette date comme celle à laquelle César devait être couronné roi dans sa Vie de Marcus Brutus34. Quelques pages plus loin, on apprend que le moment choisi pour exécuter le complot contre César tombe finalement le 15, dans un lieu proprement providentiel :

  • 35  Op. cit., p. 1061.

Furthermore, they thought also that the appointment of the place where the counsell shoulde be kept, was chosen of purpose by diuine prouidence, and made all for them. For it was one of the porches about the Theater, in the which there was a certaine place full of seates for men to sit in, where also was set vp the image of Pompey, which the citie had made and consecrated in honor of him: when he did beawtifie that parte of the citie with the Theater he built, with diuers porches about it. In this place was the assembly of the Senate appointed to be, iust on the fifteenth day of the moneth of March, which the Romanes call, Idus Martias: so that it seemed some god of purpose had brought Caesar thither to be slaine, for reuenge of Pompeys death35.

44La date initialement prévue est donc reculée de 15 jours à la faveur d’une symbolique du lieu providentiel. Cette mise en scène sera reprise par Shakespeare.

  • 36  « But Quintilis, was afterward called Iulius, of the name of Iulius Caesar, who slew Pompeius. And (...)

45Ce premier décalage, ou excès temporel, se double d’un autre. César était bien conscient du temps et de sa symbolique. Shakespeare ne pouvait ignorer que le mois de juillet est nommé ainsi en l’honneur de Jules César, tout comme le mois d’août sera rebaptisé en l’honneur d’Auguste César, comme le raconte Plutarque dans sa Vie de Numa Pompilius36. Plutarque nous rappelle aussi que le même Numa Pompilius réforma le calendrier, comme César après lui : c’est à Numa Pompilius que l’on doit le passage de mars du premier au troisième mois de l’année.

  • 37  Daniell, op. cit., p. 17, 19.
  • 38  Steve Sohmer, Shakespeare’s Mystery Play : The Opening of the Globe, 1599, Manchester: Manchester (...)

46Or l’Angleterre vivait encore, au temps d’Élisabeth, avec le calendrier institué par César en 46 av. J.-C., alors qu’il avait été réformé dans les pays catholiques par le pape Grégoire xiii en 1582, soit une quinzaine d’années auparavant, pour remédier au décalage accumulé par le calendrier julien. Dans son introduction à l’édition Arden, David Daniell résume ainsi la situation: « By the 1580s, the Julian calendar (for long the Christian calendar) had drifted out of phase again by almost ten days. [...] In 1599, Easter was five weeks apart between Protestants and Catholics37 », ce qui fait dire à Steve Sohmer: « Like the Romans of Julius Caesar’s age, Shakespeare and his fellow-Elizabethans found themselves compelled to live... in “Caesar’s time”38 ». Insister sur les ides de mars, c’est montrer du doigt les quinze jours d’écart par rapport au calendrier réel ou naturel. En ce sens, l’Angleterre vivait dans un temps « sur-naturel ».

  • 39  Sohmer résume ainsi la situation, en mentionnant, au passage, la Saint Valentin : « As Elizabethan (...)

47Ce n’est pas tout : comme aux premiers temps de Rome, en Angleterre la nouvelle année commençait en mars. Seulement, il ne s’agissait pas du 1er mars, mais du 25, au moment de la Fête de l’Annonciation. Ce n’est qu’en 1752 que le Royaume-Uni s’alignera sur les autres pays d’Europe occidentale et choisira le 1er janvier pour marquer le début de l’année. Un comput élémentaire nous permet ainsi de déduire qu’en 1599, date probable de composition de Julius Caesar, suite au décalage accumulé entre le calendrier julien et le calendrier grégorien, le nouvel an anglais tombait non plus le 25 mars, mais 10 jours plus tôt, aux ides de mars39.

48On pourrait interpréter ces divers décalages, entre deux calendriers et entre deux dates propices au sacrifice de César, à la lumière de l’opposition entre catholiques et protestants divisés par l’interprétation des mêmes « événements ». Le décalage calendaire est un rappel des conséquences du schisme avec Rome, tête de l’Église, mais aussi de l’Empire romain. En 1599, pour reprendre Hamlet, « time is out of joint ».

4. Ides, sides, tides

49Une quatrième hypothèse d’interprétation de l’avertissement du Soothsayer serait, en réalité, un autre écho au rite des Lupercales. C’est une hypothèse où l’excès est figuré par un phonème ajouté au début du mot, et qu’on appelle en rhétorique une « prothèse ». Ici, il s’agit de lire dans ides une référence aux côtés (sides) des animaux sacrifiés mi-février, tout autant qu’aux tides ou tidings prémonitoires.

  • 40  Daniell, op. cit., p. 86.

50Revenons sur ce que nous dit Plutarque au sujet des Lupercales. Dans la Vie de Romulus, qui offre le plus de détails sur ce rite, on apprend que : « There is another thing yet in this feast, that these Lvpercians which ronne about the cittie, doe also sacrifice a dogge ». L’éditeur anglais de la traduction de Sir Thomas North a tenu à attirer l’attention des lecteurs, au moyen d’une note marginale, sur cette coutume des Romains : « The Lupercians doe sacrifice a dogge ». Il n’est pas impossible de penser que Shakespeare a pu être sensible aux notes marginales de l’éditeur, et que l’anecdote des chiens avait attiré son attention. Comme le rappelle D. Daniell, le premier éditeur des Vies fut Thomas Vautrollier, dont l’assistant était le même Richard Field de Stratford-upon-Avon qui avait, quelques années auparavant, imprimé Venus and Adonis pour Shakespeare. Field imprimera une deuxième édition de la traduction de North en 159540.

51Quelques lignes plus loin, Plutarque revient sur cette coutume :

  • 41  Plutarque, op. cit., p. 35.

And if it be true they make this sacrifice for a purging, a man might saye they might offer vp a dogge for that purpose, like as the Graecians in their sacrifices of purgation doe vse to carie out all their doggs. And in many places they doe obserue this ceremonie, to driue out the doggs, which they call Periscylacismes. Otherwise, if it be of a thanckfullnes to the woulfe that gaue Romulus sucke, & saued him from perishing, that the Romaines doe solemnise this feast: it is not impartinent they sacrifice a dogge, bicause he is enemie to the woulues. Onles a man would saye it was to punishe this beast, which troubleth and letteth the Lvpercians when they runne41.

  • 42  Les ours succombaient plus rarement à leurs blessures que les chiens, plus facilement remplaçables (...)

52Que pouvait signifier cette coutume pour un lecteur anglais à la Renaissance ? Pourquoi l’éditeur a-t-il tenu à attirer l’attention de ses lecteurs sur une coutume qui consiste à se débarrasser d’un animal impur, sacrilège ou gênant ? Je voudrais suggérer que cette anecdote pouvait évoquer, au lecteur élisabéthain, la pratique du bear-baiting, ce divertissement très en vogue qui était l’occasion de voir (et d’entendre) des chiens se faire tailler en morceaux par un ours accroché par une chaîne à un poteau42. L’image n’est pas anecdotique : le bear-baiting sert de métaphore à ce qui se passe sur scène. Comme dans une guerre civile, aucun parti, ours ou chien, ne sort indemne de la guerre. Il serait inutile de chercher à identifier un parti à l’ours ou aux chiens : ce qui compte, c’est l’image d’une lutte inégale, mais nécessairement sanguinaire, opposant le plus fort au plus grand nombre.

53Dans Julius Caesar, Shakespeare exploite l’image du bear-baiting de façon explicite pour dénoter, me semble-t-il, les excès sanguinaires auxquels conduisent les guerres civiles. Ainsi, Octavius dit à Antoine: « we are at the stake / And bayed about with many enemies » (iv.i.48–9). D’autres passages mentionnent également chiens, ours, baiting ou baying. Chose remarquable, chacune des occurrences de ces termes se trouve dans un contexte fortement prophétique ou, à tout le moins, en rapport avec les dieux — comme si Shakespeare transposait les sacrifices des augures romains en bear-baiting londonien.

  • 43  Caroline F. Spurgeon, Shakespeare’s Imagery and What It Tells Us, Cambridge, Cambridge University (...)
  • 44  Les animaux associés au dieu grec, Arès, étaient les vautours et les chiens.
  • 45  D. Daniell se réfère à Henry v, Prol. 7–8.

54Prenons tout d’abord le cas des chiens, ces hounds, curs, dogs, et autres spaniels que l’on trouve partout dans la pièce. Comme le note Caroline Spurgeon: « the dog, licking, candy, melting group, [are] called up inevitably by the thought of false friends or flatterers43 ». Mais il y a plus que l’idée de flatterie. Si l’on s’en tient aux références aux chiens (« dogs »), les exemples sont révélateurs du lien entre bear-baiting et divination. Lorsque Marc Antoine s’exclame, devant le cadavre de César : « Cry havoc and let slip the dogs of war » (iii.i.273), il invoque là peut-être les chiens de Mars44, dieu tutélaire de la guerre, et pas seulement « the hounds of famine, sword and fire » comme l’ont glosé les éditeurs de Shakespeare45. Cette invocation clôt une prophétie de guerre civile:

Thou art the ruins of the noblest man
That ever lived in the tide of times.
[...]
Over thy wounds now do I prophesy. (iii.i.256–258)

  • 46  [tai] (« tide... times ») et [v] (« ever lived... of »).
  • 47  Oxford English Dictionary (OED), 2e édition, 1989, « utterance2, [ad. OF. oultrance, outrance] 1. (...)

55Je ne reviendrai pas en détail sur cette prophétie qui rappelle celle de l’évêque de Carlisle dans Richard ii (iv.i.137–150). Ce qui m’intéresse surtout, c’est l’expression, dans ce contexte, de « the tide of times » qui prend ici un double sens : à la fois métaphore maritime (tide) et expression de l’avenir (tidings), un double sens redoublé par des superlatifs (« the noblest […] that ever lived »), des allitérations et des assonances46. À ces effets rhétoriques s’ajoutent les images apocalyptiques de guerre civile avec Até aux côtés de César (« Ate by his side ») dans la bouche d’un Marc Antoine les bras couverts de sang. C’est là l’exemple sans doute le plus abouti d’excès dans la pièce. Ce que Marc Antoine appelle ici : « the utterance of my tongue » n’est autre chose que le mot français « outrance47 », et l’excès est celui d’une prophétie figurant des scènes d’une grande violence, dans une mise en scène dramatique (le cadavre de César encore fumant est à ses pieds), dans une langue truffée de figures de rhétorique de répétition. « This is a savage spectacle » (iii.i.223).

56La deuxième occurrence de « dog » se trouve dans une scène où Brutus et Cassius se querellent. Ici aussi, il est question de prophétie, cette fois-ci évoquée a posteriori dans un chiasme :

Brutus. Remember March, the ides of March remember [...]
I had rather be a dog and bay the moon
Than such a Roman.

Cassius. Brutus, bait not me
I’ll not endure it. You forget yourself
To hedge me in.
I am a soldier, I. (iv.iii.18–30)

57Cet échange commence avec une référence au mois de mars et à sa promesse de justice, et se clôt avec l’affirmation par Cassius de ses qualités de soldat, c’est-à-dire ses qualités martiales, qui contraste avec la comparaison canine de Brutus et la référence au bear-baiting. De même, on peut opposer le souvenir (« Remember […] remember ») dont il est question tout au long de Julius Caesar, à l’oubli de soi (« forget yourself »), ici de Brutus, ailleurs de César ou de Cassius.

58Je citerai enfin la réplique d’Antoine qui associe à nouveau les chiens et les « sides » d’un César sacrifié :

Villains! You did not so, when your vile daggers
Hacked one another in the sides of Caesar.
You showed your teeth like apes, and fawned like hounds,
And bowed like bondsmen, kissing Caesar’s feet;
Whilst damned Casca, like a cur, behind
Struck Caesar on the neck.
O you flatterers ! (v.i.39-44)

59Les sides de César sont comme ceux de l’ours qu’attaque une meute de hounds ou curs. César avait déjà été comparé à un ours (bear) par un flatteur plus tôt dans la pièce. Decius Brutus avait, en effet, parlé de l’ours qu’on peut tromper par des miroirs, dans un contexte également prémonitoire. Decius répond aux inquiétudes de Cassius au sujet de César :

Cassius. [...] he is superstitious grown of late []
It may be these apparent prodigies,
The unaccustomed terror of this night,
And the persuasion of his augurers,
May hold him from the Capitol today.

Decius. Never fear that. If he be so resolved
I can o’ersway him: for he loves to hear
That unicorns may be betrayed with trees,
And bears with glasses, elephants with holes,
Lions with toils and men with flatterers.
(ii.i.194–205)

60Le miroir qui trompe l’ours est comme l’anamorphose qui trompe la reine Isabel dans Richard ii : une image dédoublée, où l’image en trop dérange l’ordre naturel du monde en rivalisant avec lui.

  • 48  L’idée d’un « bégaiement de la langue » a été développée par Gilles Deleuze, Critique et clinique,(...)

61À la lumière de ces exemples, on pourrait reprendre l’expression de Marc Antoine, « let slip the dogs of war » et le prendre au mot, faire bégayer la langue à outrance, « To beg the voice and utterance of my tongue48 ». L’expression « beware the ides of March » peut ainsi se décliner en ides, sides et tides, March en Mars et beware devient, par paronomase, be war.

62Dans Julius Caesar, s’il concerne en priorité les personnages et leur hybris, l’excès est aussi figuré par l’accumulation de signes prémonitoires et d’allusions aux Lupercales qui soulignent l’absence ou, plutôt, le retrait des dieux, outrés par la conduite sacrilège des hommes et leur prétention à rivaliser avec eux. Dans une pièce où l’excès des uns répond à l’excès des autres, l’interprétation du passé pose problème. Dans les mots de Cicéron:

Indeed it is a strange-disposed time.
But men may construe things after their fashion
Clean from the purpose of the things themselves.
(i.iii.33–35)

63Ainsi, Julius Caesar nous invite à (ré)interpréter indéfiniment les signes et prodiges offerts par les dieux, au risque de sombrer dans un délire interprétatif où un avertissement anodin, « beware the ides of March », est répété, tordu, détourné, au gré de multiples apostrophes, antonomases et prothèses qui ne font que souligner l’impossible accord entre les hommes et les dieux, leur irréductible différence.

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Notes

1  Notamment Troilus and Cressida (ii.i, ii.iii, iii.iii, iv.v et v.ii), Antony and Cleopatra (i.i., i.v, ii.ii, ii.v et iv.xiv) mais aussi All’s Well That Ends Well (i.i, ii.i, ii.iii, iii.iii et iv.i), par exemple. Shakespeare n’utilise qu’une fois son nom grec, Arès (Titus, iv.iii.71).

2  William Shakespeare, Julius Caesar, éd. David Daniell, Walton-on-Thames, Thomas Nelson and Sons, 1998, coll. Arden Third Series, i.i.55 ; i.ii.88 ; i.ii.128, 148 ; i.iii.91–2 ; ii.i.302, 321 ; iii.ii.185 ; iv.ii.38 ; iv.iii.14, 41, 46, 81, 156 ; v.iii.89 et i.iii.55 ; ii.ii.27 ; ii.iii.8, respectivement.

3  Pierre Fontanier, Les figures du discours, éd. Gérard Genette, Paris, Flammarion, 1830, 1977, p. 371.

4  George Puttenham, The arte of English poesie, éd. John Lumley, New York, AMS Press, 1569, 1589, 1966, English reprints, v. 4 [no. 15], p. 192.

5  Op. cit., p. 245. C’est moi qui souligne.

6  Il n’est pas encore strictement interdit de parler de Dieu sur scène. Il faudra attendre le milieu du xviie siècle pour voir le théâtre, en Angleterre et en France, totalement muselé par les églises. La loi de 1606, An Acte to restraine Abuses of Players, ne sera appliquée avec vigueur que plusieurs années après son adoption. La loi prévoit une amende de 10 livres aux blasphémateurs. Voir Alfred Jackson, « The Stage and the Authorities, 1700–1714 (As Revealed in the Newspapers) », The Review of English Studies, vol. 14, janvier 1938, n° 53, p. 56.

7  Voir J. L. Austin, How to Do Things with Words, Oxford, Clarendon Press, 1962.

8  Une incantation est, étymologiquement parlant, un enchantement ou l’évocation d’un charme (incantare).

9  i.ii.18–23 ; ii.i.40, 59 ; iii.i.1 ; iv.iii.18 et v.i.113.

10  Dans 1 Henry iv (iv.i.111) et The Winter’s Tale (iv.iv.120).

11  Ce n’est pas le seul lien entre César et les Lupercales : il faut y ajouter la création, en 44 ap. J.-C., d’un troisième collège de prêtres des Lupercales, les Lupercii Julii, nommés en son honneur et dont le premier magister était Marc Antoine. Shakespeare mentionne Antoine, et suit en cela le descriptif de Plutarque, mais dans le texte plutarquien, il n’est pas clair qu’il était un magister du nouveau collège de prêtres. Tout au plus sait-on qu’il était consul. Il est possible que Shakespeare connût l’existence de ce troisième collège, et qu’il ait voulu insister sur une autre mention de l’importance du temps dans la vie de Jules César.

12  Plutarque, Lives of the noble Grecians and Romans, traduit par Sir Thomas North, Londres, Thomas Vautrouiller and Iohn Wight, 1579, p. 35.

13  « Forget not in your speed, Antonio, / To touch Calphurnia ; for our elders say, / The barren touched in this holy chase / Shake off their sterile curse » (i.ii.6–9).

14  On a pu lire dans la scène des Lupercales une transposition, dans le domaine de la sexualité, du rite de l’imposition des mains dont on connaît les implications politiques. François Laroque, « La fête des Lupercales dans Jules César », in Pierre Iselin et François Laroque éds., Réussir l'épreuve de littérature : Jules César, William Shakespeare, Paris, Ellipses, 1994, p. 35. Sur l’histoire du rite d’imposition des mains, voir Marc Bloch, Les Rois Thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, NRF Gallimard, 1924, 1983, coll. Bibliothèque des Histoires. Seul un roi légitime avait le pouvoir de guérir par le toucher. Dans Macbeth (iv.iii), Malcolm parle de « the King’s Evil ».

15  D’après François Laroque : « La Saint-Valentin était en Angleterre marquée par des jeux et une atmosphère imprégnée d’érotisme ». François Laroque, Shakespeare et la fête. Essai d'archéologie du spectacle dans l'Angleterre élisabéthaine, Paris, 1988, p. 113. F. Laroque cite, en note, Naomi Conn Liebler qui « analyse la pièce sous l’angle des rites de fertilité liés aux Lupercales et suggère qu’ils trouvaient leur contrepartie dans certaines traditions rurales, comme le “beating of the bounds” ou encore de la “Morris” ou de la “Sword dance” », op. cit., p. 377. Voir également F. Laroque, « La fête des Lupercales », op. cit., p. 33-41. L’article de Liebler est repris dans Naomi Conn Liebler, « ‘Thou bleeding piece of earth’ : The Ritual Ground of Julius Caesar », éd. Richard Wilson, Julius Caesar, New Casebooks, Basingstoke et New York, Palgrave, 2002, p. 128-148.

16  F. Laroque, « La fête des Lupercales », op. cit., p. 35 (c’est moi qui souligne). Dans son article, F. Laroque s’appuie essentiellement sur les analyses de Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, Paris, Payot, 1974, 1987.

17  Silvia fait aussi écho au nom de la mère des fondateurs de Rome, Rhea Silvia.

18  Historiquement, ce triomphe avait été célébré plusieurs mois auparavant, mais Shakespeare condense la chronologie pour faire coïncider plusieurs événements marquants. Il ne suit pas, en cela, le récit de Plutarque.

19  Wilson, op. cit., p. 55–76. D’après Liebler : « [According to some recent critics] Shakespeare fashions Caesar as a Carnival-king, the rex stultorum whose festival day of ‘monarchy’ ends in deposition and sacrifice. But these ancient connections also problematise such views, because the deposition and sacrifice of the pharmakos/rex stultorum was supposed to purify the community, cleanse it of disease and restore its health. That is what (ideally) happens in the case of actual ritual practice, but not in tragedy, and not in Shakespearean tragedy », op. cit., p. 133. Voir également François Laroque, « Les rois de carnaval dans le théâtre de Shakespeare : le cas de Jules César et de Hamlet », in Franck Lessay et François Laroque éds., Figures de la Royauté en Angleterre : de Shakespeare à la Glorieuse Révolution, Paris, PSN, 1999, p. 46-60.

20  Voir Ann Lecercle, « ‘Trash’ dans La tempête », éd. Claude Peltrault, Shakespeare : La tempête. Études critiques, Besançon, 1994, p. 171–172.

21  Plutarque, op. cit., p. 34.

22  Jacques Le Goff, Jean-Claude Bonne et al., Le sacre royal à l’époque de Saint Louis (d’après le manuscrit latin 1246 de la BNF), Paris, NRF Gallimard, 2001, coll. Le Temps des Images, 2001, p. 172. J.-C. Bonne précise toutefois que ce geste est inhabituel : « Car, dans une décrétale de 1204, Innocent iii affirme que l’évêque doit être oint sur la tête et avec du chrême alors que le roi ne peut être oint sur la tête mais sur les bras ou les épaules et précise qu’on doit n’utiliser pour lui que l’huile des catéchumènes “afin que soit montrée combien il y a de différence entre l’autorité du pontife et le pouvoir du prince”. Il n’est donc pas étonnant que l’onction du souverain sur la tête n’apparaisse jamais dans un pontifical romain ».

23  Leo Spitzer, « The ‘Récit de Théramène’ », Linguistics and Literary History. Essays in Stylistics, New York / Princeton, Russel & Russel / Princeton University Press, 1948, 1966, p. 87–134.

24  Ce dernier parle de « mere foolery », i.ii.236.

25  « Poor man, I know he would not be a wolf / But that he sees the Romans are but sheep. / He were no lion, were not Romans hinds » (i.iii.104–6). L’imagerie animale fait ici écho aux topoi chrétiens. F. Laroque établit également un parallèle avec un autre passage (iii.i.204) : « Par le biais de la paronomase « hart/heart », [Antony] convertit le topos médiéval de la chasse d’amour en une curée sauvage arrachant le cœur sanglant du cerf royal auquel César est identifié ». F. Laroque, « La fête des Lupercales », op. cit., p. 39.

26  La datation précise est sujette à caution, tout comme les causes de la mort du monarque déchu. On estime qu’elle a eu lieu entre le 9 et 17 février, le 14 étant considéré comme la date la plus probable de sa mort.

27  On dit aussi du Prince Noir qu’il est « that young Mars of men » (Richard ii, ii.iii.101, William Shakespeare, King Richard ii, éd. Charles R. Forker, London, Thomson Learning, 2002, coll. Arden Third Series).

28  Yan Brailowsky, « ‘Let me prophesy’ : Apocalypse et inspiration prophétique dans Richard II de Shakespeare », éds. Dominique Daniel et Michel Naumann, L’autre : Journée d’étude sur les auteurs et sujets des concours 2006, Tours, PUFR, 2006, p. 81–100.

29  Le dialogue entre le Prince Edouard et Buckingham est empreint d’apocalyptisme :

« Edw. Did Julius Caesar build that place, my lord ? / Buck. He did, my gracious lord, begin that place ; / Which, since, succeeding ages have re-edified. / Edw. Is it upon record, or else reported / Successively from age to age, he built it ? / Buck. Upon record, my gracious lord. / Edw. But say, my lord, it were not register’d, / Methinks the truth should live from age to age, / As ’twere retail’d to all posterity, / Even to the general all-ending day » (Richard iii, iii.i.70–79, William Shakespeare, King Richard iii, éd. Antony Hammond, Walton-on-Thames, Thomas Nelson and Sons, 1981, coll. Arden Second Series).

30  Plutarque, op. cit., p. 34.

31  R. Wilson commence ainsi son introduction à un recueil d’articles critiques : « Julius Caesar [... is] one of the most quoted texts in debates about critical theory. » Wilson, op. cit., p. 1.

32  À l’époque élisabéthaine, au vu de l’orthographe de Thomas North dans sa traduction des Vies parallèles, on voit que March et marsh étaient homonymes, voir Plutarque, op. cit., p. 234. Ainsi, il est probable qu’on ne pouvait entendre de différence entre March et Mars.

33  Randle Cotgrave, A Dictionarie of the French and English Tongues, 1re éd., Londres, Adam Islip, 1611.

34  « Cassius asked him if he were determined to be in the Senate house, the first day of the moneth of Marche, bicause he heard say that Caesars frendes shoulde moue the counsell that day, that Caesar shoulde be called king by the Senate ». Plutarque, op. cit., p. 1059.

35  Op. cit., p. 1061.

36  « But Quintilis, was afterward called Iulius, of the name of Iulius Caesar, who slew Pompeius. And Sextilis was named Augustus, Octauius Caesars successour in the empire, who was also surnamed Augustus », op. cit., p. 79.

37  Daniell, op. cit., p. 17, 19.

38  Steve Sohmer, Shakespeare’s Mystery Play : The Opening of the Globe, 1599, Manchester: Manchester University Press, 1999, chap. 9, cité par Daniell, op. cit., p. 19.

39  Sohmer résume ainsi la situation, en mentionnant, au passage, la Saint Valentin : « As Elizabethans prepared their billets-doux on the Eve of Saint Valentine, 1598, the Catholic Europe was celebrating Shrove Tuesday 1599. And while Elizabethans were exchanging Valentine greetings the rest of the world was gravely observing Ash Wednesday and the onset of Lent. Even Julius Caesar’s anniversaries were muddled: on the English Ides of March, 1598, the Catholic world was observing the Annunciation to the Blessed Virgin Mary 1599. Worse, the Elizabethan date of the Annunciation fell on the Catholic Palm Sunday. Worst of all, imagine the bitter jokes and angry recriminations when Elizabethan Protestants realized that the true Easter, 11 April Gregorian, fell on the date all England observed as April Fool’s Day », Steve Sohmer, « 12 June 1599 : Opening Day at Shakespeare’s Globe », in Early Modern Literary Studies, 3:1, 1997, accessible en ligne: http://purl.oclc.org/emls/03-1/sohmjuli.html (consulté le 15 avril 2007) §32.

40  Daniell, op. cit., p. 86.

41  Plutarque, op. cit., p. 35.

42  Les ours succombaient plus rarement à leurs blessures que les chiens, plus facilement remplaçables. La pratique ne fut abolie qu’au xixe siècle, en 1835, à la faveur des lois protégeant les animaux. Même les Puritains, qui avaient réussi à interdire le théâtre au XVIIe siècle, n’avaient pu interdire le bear-baiting, tant la pratique était populaire.

43  Caroline F. Spurgeon, Shakespeare’s Imagery and What It Tells Us, Cambridge, Cambridge University Press, 1935, 1965, p. 195.

44  Les animaux associés au dieu grec, Arès, étaient les vautours et les chiens.

45  D. Daniell se réfère à Henry v, Prol. 7–8.

46  [tai] (« tide... times ») et [v] (« ever lived... of »).

47  Oxford English Dictionary (OED), 2e édition, 1989, « utterance2, [ad. OF. oultrance, outrance] 1. A degree which surpasses bounds or goes beyond measure in respect of severity, vehemence, etc.; immoderate force or violence; excess, the uttermost. Obs.. 2. a. to (unto, into) the (such, etc.) utterance, to an extreme degree; to the bitter end; to the last or utmost extremity ». Voir aussi Daniell, op. cit., p. 249.

48  L’idée d’un « bégaiement de la langue » a été développée par Gilles Deleuze, Critique et clinique, Paris, Minuit, 1993, p. 135–143.

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Pour citer cet article

Référence papier

Yan Brailowsky, « Du détournement au délire interprétatif : les figures de l’excès dans Julius Caesar de Shakespeare »Actes des congrès de la Société française Shakespeare, 25 | 2007, 3-23.

Référence électronique

Yan Brailowsky, « Du détournement au délire interprétatif : les figures de l’excès dans Julius Caesar de Shakespeare »Actes des congrès de la Société française Shakespeare [En ligne], 25 | 2007, mis en ligne le 10 février 2008, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/shakespeare/1039 ; DOI : https://doi.org/10.4000/shakespeare.1039

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Auteur

Yan Brailowsky

Yan Brailowsky est ATER à l’Université Paris-X Nanterre. Sa thèse porte sur les énigmes, les oracles et les prophéties dans le théâtre de Shakespeare. Il a publié des articles sur la divination, l’amphibologie, et le poison à la Renaissance.

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